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Une nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation rappelle une règle essentielle du bail commercial : le locataire doit impérativement exercer son activité dans les limites prévues par le contrat.
En cas d’activité non prévue, la résiliation du bail peut être prononcée.

Dans une affaire récente, la Haute Juridiction a jugé qu’un locataire de snack qui s’était mis à exploiter un restaurant complet avait modifié la destination des lieux sans autorisation — un manquement grave suffisant pour justifier la fin du contrat.

Cet article fait le point sur les règles applicables, la procédure de déspécialisation, et les bonnes pratiques à adopter pour éviter les litiges.

Quelle activité peut-on exercer dans un bail commercial ?

Le bail commercial fixe précisément les conditions dans lesquelles un locataire (preneur) peut exploiter son activité.
Le contrat mentionne la clause de destination, qui définit les activités autorisées dans le local.

Le rôle de la clause de destination

Cette clause indique :

  • la ou les activités expressément autorisées ;

  • les activités connexes ou complémentaires qui peuvent être exercées sans modification du bail.

En pratique, cette définition peut prêter à interprétation et être à l’origine de nombreux litiges entre locataire et bailleur.

Exemple concret

Un hôtelier peut, par exemple, ouvrir un restaurant pour ses clients sans violer son bail, l’activité étant complémentaire.
Mais ouvrir un restaurant ouvert au public constitue un changement de destination, soumis à autorisation.

Changer d’activité : la procédure de déspécialisation

Lorsqu’un commerçant souhaite exercer une activité différente de celle prévue au bail, il doit recourir à la procédure de déspécialisation prévue aux articles L.145-47 et suivants du Code de commerce.

Deux formes de déspécialisation

  • Déspécialisation partielle : pour ajouter une activité connexe ou complémentaire à celle déjà exercée.

  • Déspécialisation plénière : pour changer totalement d’activité, ce qui suppose l’accord du bailleur.

Les étapes clés

  1. Notification au bailleur par acte extrajudiciaire ou recommandé avec AR ;

  2. Délai de réponse du bailleur de trois mois ;

  3. En cas de refus ou de silence, recours possible devant le tribunal judiciaire.

Le non-respect de cette procédure expose le locataire à des sanctions lourdes, dont la résiliation du bail commercial.

Jurisprudence : quand un “snack” devient un “restaurant”

La Cour de cassation a récemment statué sur une affaire illustrant parfaitement ce principe (Cass. civ., 27 mars 2025, n° 23-22.383).

Les faits

Un bail commercial portait sur un centre d’animation, avec l’autorisation d’y exploiter un snack.
Le locataire a progressivement transformé l’espace pour y installer une véritable activité de restauration : cuisine équipée, salle de service, kiosques et carte gastronomique.

Sous la dénomination “snack-restaurant”, il proposait une cuisine française, chinoise et de fruits de mer.

Le bailleur, considérant que l’activité exercée excédait largement celle autorisée, a demandé la résiliation du bail commercial.

La décision

La Cour de cassation a confirmé que l’activité de restauration était différente de l’activité de snack, et que le locataire avait modifié unilatéralement la destination du local sans l’accord du bailleur.

Résultat : résiliation du bail prononcée.

Les conséquences d’une activité non prévue au bail commercial

Exercer une activité non autorisée expose le locataire à plusieurs risques majeurs :

  • Résiliation du bail commercial, avec perte du droit au renouvellement ;

  • Dommages et intérêts dus au bailleur ;

  • Perte du fonds de commerce, dont la valeur dépend du local.

⚠️ Même si l’activité semble proche (ex. snack → restaurant), l’intention initiale du contrat fait foi.

Comment prévenir ce type de litige ?

1️⃣ Faire valider toute évolution d’activité

Avant de diversifier ou transformer votre offre, demandez l’accord écrit du bailleur.
Une simple lettre ou un avenant au bail peut éviter une procédure longue et coûteuse.

2️⃣ Vérifier la clause de destination lors de la signature

Certaines clauses sont très restrictives (“exclusivement salon de coiffure”) ; d’autres sont plus souples (“toute activité de soins esthétiques”).
Un conseil juridique ou comptable est essentiel dès la conclusion du bail.

3️⃣ Se faire accompagner

Un expert-comptable peut vous aider à :

  • évaluer la rentabilité d’un changement d’activité ;

  • anticiper les impacts juridiques et fiscaux ;

  • sécuriser vos relations contractuelles.

À retenir

  • Le bail commercial détermine strictement les activités autorisées.

  • Toute activité non prévue ou non déclarée constitue un manquement grave.

  • La procédure de déspécialisation est la seule voie légale pour changer d’activité.

  • Une mauvaise interprétation de la clause de destination peut coûter très cher.

La décision de la Cour de cassation du 27 mars 2025 confirme une ligne constante :

Toute modification de la destination du local sans autorisation du bailleur expose le locataire à la résiliation du bail commercial.

Avant toute évolution d’activité, mieux vaut anticiper, consulter et formaliser.
Un accompagnement par un expert-comptable ou un conseiller juridique permet de protéger votre bail, votre activité et votre fonds de commerce.


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